LE FEMININ : LE RISQUE DE LA DIFFERENCE

Jacqueline Schaeffer

En 1937, Freud, a lancé la formulation d’un obstacle, d’un roc sur lequel se brisaient les efforts de la psychanalyse. Il l’a nommé : « le refus du féminin, dans les deux sexes. Une part de cette grande énigme de la sexualité ». 

L’énigme qui n’a cessé et ne cessera jamais d’interroger les psychanalystes comme le commun des mortels, c’est celle de la différence des sexes. Si des extraterrestres nous honoraient d’une visite du troisième type, leur plus effarante surprise, suggérait Freud, serait la découverte de cette différence.

Une différence aussi banale qu’irréductible, mais qui impose une telle exigence de travail psychique que chaque individu, enfant ou adulte, homme ou femme, philosophe ou scientifique, en couple ou en société, s’efforce à déployer toutes les stratégies pour en atténuer ou en effacer les effets.

La sexualité infantile

Celle de l’enfant, est dite « perverse polymorphe », en raison de l’érotisation partielle des zones érogènes. Son éclosion est en lien avec la séduction maternelle.

Le lien premier à la mère, mère des soins, et mère de la séduction permet à l’enfant de vivre deux expériences fondamentales : une jouissance dans la passivité et une dépendance à l’autre dans la recherche et la découverte du plaisir. Une mère, par le regard, la voix, les gestes et les mots, ouvre l’érotisation du corps de l’enfant, et se laisse séduire par le plaisir qu’elle prend avec lui.

Mais il importe que la mère excitante ait pu fournir à l’enfant des contre-investissements à son excès d’excitation en étant également pare-excitante. C’est-à-dire qu’elle puisse transmettre à l’enfant excité par son absence, en l’endormant pour redevenir amante, un message médiatisé désignant un tiers séducteur, un autre de son désir. Ce que nous nommons la « censure de l’amante » (Denise Braunschweig et Michel Fain). Elle lui fournit alors les moyens d’organiser son excitation vers cet autre objet, préforme de la triangulation ultérieure. L’alternance de sa présence-absence, prélude à l’intériorisation de la capacité d’attente, de la mise en délai de la satisfaction, et à l’intrication des pulsions.

Le sexuel infantile

Il est à distinguer de la sexualité infantile. Il désigne l’infantilisation de la sexualité, à tout moment et à tout âge de la vie.

L’infantile, c’est ce qui sommeille en nous, qui nous perturbera et nous enrichira jusqu’à la fin de nos jours, en fonction de la poussée constante de sa pulsionnalité. C’est ce qui ne parvient jamais à subir totalement le refoulement, constamment aux prises avec des retours de refoulé, des symptômes et des actes manqués. C’est le cœur de ce que nous nommons l’ICS, et que nous ne connaissons qu’à travers ses rejetons.

C’est bien pourquoi Freud a parlé de la prédisposition perverse de l’humain adulte.

L’infantile c’est l’objet de la psychanalyse et c’est la répétition de ses manifestations qui pousse à partir à l’aventure d’un travail analytique.

Il continue donc à produire des théories sexuelles infantiles.

Le déni et les théories sexuelles infantiles sont normales et même souhaitables chez un enfant, c’est le terreau de la sexualité infantile. Mais chez les adultes, ils peuvent revêtir une tournure plus pathologique, jusqu’à des comportements tels que le fétichisme, ou des constructions délirantes. Irons-nous jusqu’à inclure la Gender theory, parmi ces théories sexuelles infantiles adultes ?

Quelle en est l’origine, quand elles perdurent chez des adultes jusqu’à vouloir nier la différence anatomique des sexes ? Quelle force traumatique a pu nécessiter une défense aussi massive que celle de la construction d’une « Théorie du genre », telle que la Queer theory ? Celle qui réduit le sexe à n’être rien d’autre qu’une construction sociale et culturelle, voire politique, estimant qu’on est en droit de se proclamer homme si on est née femme, femme si on est né homme, de se déclarer appartenir à l’un et l’autre genre ou de n’être ni de l’un ni de l’autre. Le genre est utilisé comme un « cache sexe ».

Les théories sexuelles infantiles interrogent les grandes questions de l’humanité : qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ? A ces énigmes que sont le sexe, la reproduction et la mort, l’homme éprouve le besoin d’inventer des systèmes théoriques et des solutions techniques, avec le recours à la science, à la religion, à la philosophie, entre autres. Jusqu’aux plus aberrantes : celles du savant fou, du philosophe fou, du religieux fanatique fou de dieu, ou du dictateur fou de sa toute-puissance de destructivité.

Je vais faire un détour par les théories sexuelles infantiles pour approcher Lacan

« Les enfants, écrit Freud, produisent beaucoup de choses fausses dans le but de contredire une connaissance plus ancienne, meilleure mais devenue inconsciente et refoulée ».

Selon Freud, les origines des théories se trouvent dans « les composantes de la pulsion sexuelle » et dans les « nécessités de la constitution psychosexuelle ». Freud ne dit pas que cette connaissance était vraie, mais qu’elle était « meilleure ».

On peut y relier ce qu’il dit de « l’ignorance » du vagin, qui – a t’il toujours soutenu – ne résultait pas d’un refoulement. Voulait-il indiquer que la « connaissance perdue » était du non-élaboré, peut-être du traumatique ? Et émettre l’hypothèse que ce premier temps serait « traumatique », sous l’effet de l’interdit de l’inceste ?

La « connaissance ancienne » concernait, pour Hans, le ventre maternel et son contenu, ainsi que les comportements sexuels des animaux. La théorie phallique du pénis universel, dit Freud, viendra tenter une solution. Mais le problème se complique car le garçon ressent « des impulsions obscures à une action violente : pénétrer, casser, percer des trous partout ». La théorie phallique rend impensable l’existence d’une cavité. C’est alors qu’intervient une autre théorie : la cloacale, qui ouvre la voie royale de la pénétration et de l’expulsion, car elle ne prête à aucune ignorance et abolit toutes les différences. Mais il y a un « reste », comme si une connaissance ancienne, meilleure mais perdue, faisait retour sous la forme de cette obscure impulsion du garçon et de sa prescience du ventre maternel.

Ne peut-on assimiler cette « connaissance perdue » et son contre-investissement à un autre contre-investissement, le seul que Freud attribue au refoulement originaire et dont il situe l’origine au niveau de « facteurs quantitatifs comme une trop grande force de l’excitation et l’effraction du pare-excitations », donc à un niveau traumatique ?  

On peut alors invoquer l’immense et douloureux travail qu’a nécessité l’inéluctable décollage de cette source de jouissance initiale où soi était l’objet, pour aller vers la différenciation, la subjectivation ? Une inévitable coupure-blessure que viendra réélaborer en après-coup l’angoisse de castration, scellant à jamais un désir inassouvissable et l’horreur d’un retour qui ferait figure de descente aux enfers, d’anéantissement, de retour à l’inanimé de la pulsion de mort. La douleur, la rage de cette séparation inéluctable deviendraient-elles secondairement sources d’attraction et de terreur ?

Les théories sexuelles infantiles tenteraient-elles de théoriser cette « connaissance perdue », en s’efforçant de colmater le gouffre de l’énigme, la béance de l’inconnaissable féminin maternel et l’irréparable de la perte de l’objet primaire ? Une « connaissance plus ancienne, meilleure », mais perdue du fait de la nécessité d’un inéluctable refoulement.

Lacan a créé à partir de là un ensemble théorique dans le sens d’une élaboration des concepts de phallus, de castration, et de l’impossible : ceux du réel, du réel du corps, du rapport sexuel et de l’ex-sistence de LA femme. 

 L’objet perdu, la « connaissance perdue » de Freud seraient, selon Lacan, une perte de jouissance originaire, celle du corps à corps, des sensations et affects, et du bain de langage  partagés avec l’Autre, avec la mère primitive, « trésor des signifiants ».

Ce serait donc un noyau traumatique irréductible à toute interprétation, scellé par le contre-investissement d’un refoulement originaire non « déchiffrable »hors représentation, mais servant d’attracteur à tous les refoulements secondaires, selon Freud, et à toutes les jouissances, selon Lacan.

Mais peut-on pour autant estimer, suivant une voie lacanienne, que c’est en fonction de cette perte originaire de jouissance, que l’Oedipe serait une fiction secondaire destinée à interpréter dans l’après-coup cet impossible de la jouissance en termes d’interdit ?

N’est-on pas davantage face à la prématurité, à l’immaturité du petit d’homme, à l’hilflosigkeit, cette détresse fondamentale qui nécessite une intervention, une « action spécifique » venant de l’extérieur, de la « personne secourable », éloignant pour un moment l’excitation de l’intérieur du corps ? En relation avec ce vécu d’impuissance se développe un fantasme de toute puissance infantile, alimenté par la projection narcissique parentale, en termes de « his majesty the baby ». 

N’est-ce donc pas ce fantasme de toute puissance qui va pousser le narcissisme de l’enfant à interpréter son impuissance en termes oedipiens d’interdit, et à faire appel à la fonction paternelle pour l’incarner, avant de l’intérioriser en termes de surmoi ?

Puisqu’il est de la « nature » de la pulsion de n’être pas satisfaite, dit Freud, cet impossible ne serait dû ni aux interdits oedipiens ou surmoïques, ni aux répressions venant de la civilisation, mais il serait inhérent à la pulsion sexuelle.

Interrogeons maintenant une autre théorie sexuelle

C’est celle de l’organisation phallique. Issue elle aussi d’une théorie sexuelle infantile, celle de la survalorisation narcissique d’un sexe unique, le pénis, elle est une défense en tout ou rien qui consiste à amortir le traumatisme de la perception anatomique de la différence des sexes, à nier cette différence et à assimiler le féminin à une « castration ».

C’est l’angoisse de castration, opérateur central du conflit oedipien, qui en est le chef d’orchestre.

Cette organisation phallique est cependant un passage obligé, pour les deux sexes, car elle permet le dégagement de l’imago prégénitale de la mère toute puissante et de l’emprise maternelle.

Un garçon, du fait qu’il possède un pénis que la mère n’a pas, peut parvenir, grâce à son angoisse de castration, à symboliser la partie pour le tout, avec l’appui de son identification paternelle.

Mais qu’en est-il d’un féminin érotique ? Comment une fille peut-elle symboliser un intérieur, qui est un tout ? Comment se faire reconnaître comme être sexué en l’absence de ce pénis qu’elle perçoit comme porteur de toute la valeur narcissique ?

Sa ruse inconsciente consistera à adopter la logique phallique. L’envie du pénis est narcissique, non érotique, car une fille peut fort bien ressentir que ce manque ne l’empêche pas d’avoir accès à toutes sortes de sensations voluptueuses.

La mère, pour un garçon, est messagère de la castration, selon Freud. Elle est messagère de l’attente, pour une fille, à qui elle dira : « Attends, tu verras, un jour ton Prince viendra ! »  Elle soumet alors la fille, le plus souvent, à la logique phallique, symbolique, à la loi du père.

Un garçon, destiné en principe à une sexualité de conquête, à la pénétration, s’organise le plus souvent, bien étayé sur son analité et son angoisse de castration, dans l’activité et la maîtrise de l’attente.

Les femmes sont vouées à attendre : d’abord un pénis, puis des seins, des menstruations, la première fois, puis tous les mois, puis un amant, puis un enfant, puis l’accouchement, etc…Elles n’en finissent pas d’attendre ! Et la plupart de ces attentes sont liées à des expériences non maîtrisables de pertes réelles de parties d’elle-même ou de leurs objets, qu’elles ne peuvent symboliser en angoisse de perte d’une partie pour le tout, celle d’un organe – rarement perdu dans la réalité ! Mais les femmes attendent, avant tout, l’amour.

La reconnaissance d’une fille par le père réel instaure une différence avec le regard « miroir » de la mère, selon Winnicott, et oriente vers un autre regard, celui qui va marquer de son sceau le destin féminin de la femme dans le sens du désir d’être regardée et désirée par un homme. Un père oedipien qui peut dire « Tu es une jolie petite fille », hommage à la féminité, mais aussi « Un jour ton prince viendra », pour l’attente du féminin.

La découverte du sexe féminin

La grande découverte de la puberté, c’est celle du vagin. Freud dit qu’il est ignoré pendant l’enfance des deux sexes, du fait de l’intense investissement phallique narcissique du pénis. Le vagin n’est pas un organe infantile. Les petites filles n’ignorent pas qu’elles ont un creux. Elles ressentent des sensations internes, suscitées par des émois oedipiens tout autant que par les traces archaïques du corps à corps avec la mère primitive, première séductrice, selon Freud. Cependant, la véritable révélation du vagin érotique, l’érogénéité profonde de cet organe féminin ne pourra avoir lieu que dans la relation sexuelle, celle de jouissance.   

Cette irruption du féminin, lors de la puberté, modifie la nature du complexe de castration. L’angoisse de castration va se doubler d’une angoisse de pénétration, pour les deux sexes, bien au-delà de l’angoisse de perdre le pénis, ou de ne pas l’avoir

Comment, pour un garçon, utiliser son pénis dans la relation sexuelle ?

Comment, pour une fille, vivre ces transformations corporelles qui ne la renvoient plus seulement au manque, puisqu’il lui pousse – non pas un pénis – mais des seins ? Et comment s’arracher à l’imago maternelle, quand son corps se met à ressembler au corps maternel, parfois même jusqu’à s’y confondre en fantasme ? Se dégager d’un objet primaire maternel, en raison d’une nécessaire identification et d’une tout aussi nécessaire désidentification, porte le risque de perdre une partie de soi.

Plutôt que la perte d’une partie pour le tout, étayant la capacité de symbolisation, c’est de perte du tout qu’elle est menacée, du tout de l’investissement de son corps, et du tout de son objet. L’angoisse féminine ne serait donc pas de castration, mais de perte d’amour. D’où une propension féminine à la dépression.

Si le narcissisme des hommes est avant tout phallique, chez les femmes c’est leur corps tout entier qui est investi, mais celui-ci est dépendant de la réassurance du regard de l’autre. C’est ainsi que je différencie la « féminité », toute en surface et en apparence, qui fait bon ménage avec le phallique, et le « féminin », tout intérieur, porteur de fantasmes dangereux. La féminité, c’est le corps, le féminin, c’est la chair.

Le besoin de reconnaissance du narcissisme phallique c’est d’être admiré, celui du narcissisme féminin est d’être désiré.

Mais, si une femme n’est dépendante que de son image dans le miroir, si elle n’a pas constitué des objets internes suffisamment valorisants, et qu’un objet aimant ne reconnaît pas son féminin, ne lui donne pas, par le brillant de son regard, un autre miroir, elle risque, lors de toute séparation, la chute dépressive.

  Puisque sa mère ne lui a pas donné de pénis, ce qui lui vaut, selon Freud, les plus haineux reproches, son besoin de reconnaissance la fille va l’adresser à son père.

La première et nécessaire transgression d’une fille, c’est sa trahison de la mère primitive. C’est la castration de l’imago maternelle phallique, selon Lacan, qui parle de « ravage » mère-fille. Le lien d’amour-haine signe la difficulté de ce dégagement. Une petite fille ne peut devenir femme que contre le féminin maternel.

C’est en réveillant, en révélant son sexe féminin qu’un amant pourra arracher une femme à son autoérotisme et à sa mère prégénitale. Depuis la nuit des temps, les hommes doivent venir arracher les femmes à la nuit des mères, aux reines de la nuit.

L’altérité du féminin

Que dire alors de la rencontre avec l’autre sexe ? L’enjeu est celui de l’altérité. Si Freud désigne le « refus du féminin » comme un roc, c’est pour souligner l’altérité du féminin, celle que le sujet, homme ou femme, doit apprivoiser en lui-même et en l’autre. Sinon, comment ne pas virer vers la dévalorisation, le mépris, la peur ou la haine du féminin, avec leur potentiel de violence destructrice ? Et comment, chez les hommes, ne pas être attiré vers le clivage de la maman et la putain, ou, pourquoi pas… vers l’homosexualité ?

L’autre sexe, qu’on soit homme ou femme, c’est toujours le sexe féminin. Car le phallique est pour tout un chacun quasiment le même. Assimiler le phallique au masculin c’est une nécessité du premier investissement d’un garçon pour son pénis, mais à l’heure de la rencontre sexuelle adulte, phallique et masculin deviennent antagonistes.

Au-delà du phallique, donc, le féminin.

Les femmes actuelles, celles qui ont vécu la libération de leur corps et la maîtrise de la procréation, savent ou ressentent que leurs « angoisses de féminin » ne peuvent   s’apaiser ni se résoudre de manière satisfaisante par une réalisation dite « phallique ». Et surtout que le fait de ne pas ou de ne plus être désirées par un homme les renvoie à un douloureux éprouvé d’absence de sexe, ou de sexe féminin nié, et ravive leur blessure de petite fille forcée à s’organiser sur un mode phallique face à l’épreuve perceptive de la différence des sexes. C’est là que se situe leur « angoisse de castration ».

Terminons sur le scandale de la sexualité féminine

Le jour se lève-t-il enfin sur le « continent noir » ?

Je définis d’un point de vue métapsychologique freudien un féminin dans les deux sexes : c’est une capacité du moi à admettre et à se laisser pénétrer par de grandes quantités d’excitations non liées, sans effraction traumatique, et d’en être nourri et amplifié. 

Cette capacité soutient la jouissance féminine, mais également les expériences corporelles fortement énergétiques du maternel des femmes, telles que la grossesse, l’accouchement, ainsi que leur vécu psychique. Et je pense que cette capacité d’endurance serait à porter au crédit d’une longévité des femmes supérieure à celle des hommes.

Ce qui attaque vraiment le féminin, ce n’est pas le masculin, c’est le « phallique »

Le passage du phallique au masculin chez un homme consiste à laisser la poussée constante s’emparer de son pénis, alors que son principe de plaisir peut l’amener à se contenter de fonctionner selon un régime périodisé, de tension et de décharge. Qu’il puisse, lui aussi, se démettre, pour un temps, du contrôle de son moi, abandonner ses défenses anales et phalliques, surmonter les fantasmes d’un pénis qui tend surtout à vérifier sa solidité dans la relation sexuelle, et enfin parvenir à ne pas être terrorisé par des fantasmes liés au danger du corps de la femme-mère.

« Quel est celui qui, au nom du plaisir, ne mollit pas dès les premiers pas un peu sérieux vers sa jouissance ? », écrit Jacques Lacan. J’ajouterai : vers la jouissance de l’autre ?

Pour tenter de conclure

La domination de l’homme, incontestable dans l’organisation de toutes les sociétés, renvoie, du point de vue psychanalytique, à la nécessaire fonction phallique paternelle, symbolique, laquelle instaure la loi, et permet au père de séparer l’enfant de sa mère pour le faire entrer dans le monde social.

Cette organisation phallique est si capitale que Freud en a construit une théorie phallocentrique du développement psychosexuel, et que Lacan fait du phallus le signifiant central de la sexuation et du désir. Ne peut-on en inférer une tactique défensive impérieuse face à l’effraction de l’épreuve de la différence des sexes ? Comme nous le constatons dans le social, elle tient à la maintenir.

Mais comment comprendre que ce « refus du féminin » ait une telle portée et une telle persistance ?  Peut-on supposer que ce qui a toujours menacé l’ordre politique, social et religieux, c’est ce qui touche à la puissance de procréation des femmes, mais aussi à leur capacité érotique ?  Et qu’osent s’interpénétrer la mère dans la femme, et la femme dans la mère ?

Le statut des femmes est le miroir de la structure et de l’histoire d’une civilisation, le pivot et le révélateur de ce qui change dans une société, le symptôme des crises et des enjeux de pouvoir entre les sexes, l’emblème de toute égalité.